Marine Le Pen réunit jusqu'à samedi ses troupes en séminaire. Objectif : amorcer la transformation du parti.
L'acte I de la transformation «profonde» du Front national débute ce vendredi, à Nanterre, où une quarantaine de cadres du mouvement se retrouvent au siège pour un séminaire. Ce brain strorming de deux jours doit préparer la consultation inédite des adhérents prévue en septembre, ainsi que le 16e congrès de mars 2018.
Après deux défaites électorales, Marine Le Pen a promis du changement. Du nom du parti à son organisation interne, elle veut amorcer les mutations qui permettraient de garantir l'avenir d'un «très grand mouvement politique français», comme elle l'a expliqué le 4 juillet sur France Info. Malgré le volontarisme de cette démarche, également destinée à rassurer les troupes frontistes avant les grandes vacances, plusieurs sujets brûlants devraient être évoqués au séminaire et nombre de frontistes attendent de vrais changements.
En coulisses, deux camps s'affrontent. Cette querelle entre anciens et modernes oppose les partisans d'un retour aux fondamentaux, guidés par l'union des droites, aux apologistes de l'ouverture élargie, toujours attachés à la souveraineté monétaire.
Si certains participants abordent cette grande explication avec scepticisme, d'autres la jugent essentielle pour l'avenir. «Des sujets de fond sont posés et Marine Le Pen va devoir trancher», estime un cadre en attente d'«un nouveau cap» et d'«une nouvelle stratégie politique». Parmi les économistes du FN, ceux qui avaient pensé la sortie de l'euro comme mesure phare du projet frontiste, tels Bernard Monot et Jean-Richard Sulzer, ont pris acte du rejet de cette mesure par les Français. Aujourd'hui, ils jugent urgent de sortir d'une «impasse politique». De leur côté, des personnalités comme Florian Philippot et l'économiste Philippe Murer persistent à défendre la sortie de l'euro. Elle doit rester la clef de voûte du souverainisme FN, affirment-ils. Contesté en interne, Philippot a exposé sa vision de la refondation. Dans une contribution révélée par lefigaro.fr, il a mis en garde le mouvement contre une «dangereuse facilité»et une «erreur fatale» qui consisterait à se «restreindre» sur les fondamentaux tels que l'immigration, l'insécurité et l'islamisme. «Tout faux», lui répondent ses opposants, encore écœurés par l'échec des législatives et le «boulevard manqué» d'un scrutin où ils avaient misé sur l'électorat de droite.
Plusieurs cadres ont en outre laissé entendre que si la réflexion générale devait se transformer en simple opération cosmétique ils n'hésiteraient pas à exprimer leur désaccord au lendemain du séminaire. Certains exigent un changement radical de ligne politique. Ils pensent que des sujets comme la sortie de l'euro ou le Frexit ont éloigné le FN de son socle électoral.
Au milieu de la bataille, Marine Le Pen, en position pour le moins inconfortable, a tenté de calmer les colères. Elle a haussé le ton, exigé la discipline et réclamé la discrétion sur les divisions internes. Si elle admet l'impasse de la sortie de l'euro, elle ne veut pas renoncer au discours souverainiste. Elle cherche les moyens de rassembler plus largement mais elle s'interroge sur la bonne stratégie.
«Présidentialité» de Marine Le Pen
Au-delà de cette question complexe à résoudre en raison des rapports politiques et humains qu'elle entretient avec ses différents et divergents collaborateurs, la présidente du FN ne peut pas ignorer une autre interrogation, qui ne sera pas explicitement posée lors du séminaire, mais qui revient de plus en plus en coulisses: quel est le niveau de «présidentialité» de l'ex-candidate à la présidentielle, notamment après son débat raté de l'entre-deux-tours face à Emmanuel Macron?
Selon Jean-Marie Le Pen, les sportifs de haut niveau ont un droit à l'erreur. Si son leadership n'est pas menacé au sein du mouvement, Marine Le Pen entend des voix lui conseiller de prendre du champ, pour mieux préparer 2022. À peine élu, Emmanuel Macron a anticipé cette échéance présidentielle comme une menace. «Le Front national dans cinq ans sera redoutable, ayant fait ses mues, si nous n'avons pas bien présidé, bien gouverné», avait-il déclaré dans un documentaire diffusé le 11 mai sur France 2. Une analyse que partage Marine Le Pen et à laquelle elle veut croire. La refondation du Front national, qui débute ce week-end, n'a d'ailleurs pas d'autre finalité que de replacer un parti politique fragilisé en situation de conquête.